France: cinq militants qui dénoncent le "pillage de l'Afrique" vont être jugés pour "tentative de vol en réunion d'un objet au Quai Branly

 


dLe procès de cinq personnes qui avaient tenté en juin dernier de s'emparer d'un poteau funéraire au musée du Quai Branly s'ouvre le 30 septembre à Paris.

Ils avaient tenté de s'emparer d'un poteau funéraire au Musée du quai Branly et seront jugés mercredi 30 septembre : cinq militants qui dénoncent le "pillage de l'Afrique" comptent faire de leur procès une tribune pour défendre la restitution des oeuvres prises pendant la colonisation.

Arrêtés le 12 juin dans le musée parisien, les cinq prévenus sont poursuivis devant le tribunal correctionnel pour "tentative de vol en réunion d'un objet mobilier classé" et risquent jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.

Pas de quoi toutefois effrayer leur meneur, le militant congolais Emery Mwazulu Diyabanza, qui a continué ses coups d'éclat. Le 30 juillet, il était arrêté à Marseille après s'être emparé, seul, d'un objet en ivoire au Musée des arts africains, océaniens et amérindiens. Le 10 septembre, avec trois acolytes, il a cette fois tenté d'emporter une sculpture du Congo à l'Afrika Museum de Berg en Dal (Pays-Bas), où il a été arrêté puis relâché après huit heures de garde à vue.

Le militant filme et poste la vidéo de ses actions

"Il fallait aborder le procès (à Paris) avec un esprit combatif, même si c'est risqué", a expliqué à l'AFP Emery Mwazulu Diyabanza. "Nous n'avions aucune intention de voler cette oeuvre, mais nous continuerons tant que l'injustice du pillage de l'Afrique n'aura pas été réparée."

A  chaque fois, le militant panafricain de 41 ans filme puis publie en ligne la vidéo de ses actions. Une "diplomatie directe" dont l'objectif assumé est d'agiter au maximum les réseaux sociaux. Sur celle du quai Branly, on le voit desceller un poteau funéraire Bari (Tchad ou Soudan) du XIXe siècle et l'emporter dans les couloirs. Il hurle alors : "On les ramène à la maison."

Emery Mwazulu Diyabanza est né à Kinshasa (République démocratique du Congo, RDC) et, selon ses propres dires, vit de la vente d'objets électroniques en ligne. Il partage son temps entre Champigny-sur-Marne, en banlieue parisienne, et Lomé au Togo. Coiffé d'un béret noir en hommage aux Black Panthers américains, la carte de l'Afrique en pendentif, le militant assure avoir été mis "au cachot" après la présidentielle de 2011 en RDC où il aurait frôlé a mort.

La question mérite un "débat sérieux", pour le président du Quai Branly

Avec le mouvement Unité, dignité et courage (UDC) qu'il a fondé en 2014, il milite pour la restitution des oeuvres, contre le franc CFA, ou encore les "biens mal acquis". Le militant revendique "plus de 700 000 membres" éparpillés en Europe et en Afrique, mais son compte Facebook compte un peu moins de 30 000 abonnés. Outre ses coups de force, il a porté plainte le 30 juin pour "vol et recel" contre l'Etat français, qui avait "fermement condamné" ses actes par la voix de son ministre de la Culture d'alors, Frank Riester.

Le musée du Quai Branly, qui dispose d'une très importante collection d'arts premiers africains, s'est constitué partie civile, a précisé à l'AFP son président Emmanuel Kasarhérou. "La question des restitutions" mérite "un débat sérieux" qui "s'accommode mal de coups médiatiques", a-t-il déclaré. Le musée s'est engagé "à documenter la provenance et l'origine de ses collections", a-t-il ajouté, "et sur la base de ces travaux, nous pourrons avancer".

90 000 œuvres africaines dans les musées français

Sous l'impulsion d'Emmanuel Macron, la France s'est engagée à rendre définitivement dans les prochains mois 26 objets pillés par des troupes coloniales françaises en 1892 au Bénin, et elle a remis en 2019 au Sénégal un sabre chargé d'histoire. Ces décisions font suite au rapport de deux universitaires, commandé par l'exécutif en 2018, qui recensait quelque 90 000 oeuvres africaines dans les musées français et posait les jalons d'une restitution. Il préconisait plutôt la "circulation" des oeuvres, qui n'ont pas toujours été pillées ou volées, mais a ravivé un débat controversé.

Macron reconnaît le pillage mais c'est lui qui décide de la quantité d'oeuvres restituées et s'il doit y avoir transfert de propriété ou non, c'est une insulte à notre égard", s'insurge Emery Mwazulu Diyabanza.

"A part amuser la galerie, à quoi sert ce genre d'action ? Que vont-ils faire de ces oeuvres s'ils les emmènent ?", a réagi auprès de l'AFP le directeur du programme Musées à l'Agence nationale béninoise de promotion des patrimoines et de développement du tourisme (ANPT), Alain Godonou. "Les discussions entre la France et le Bénin avancent très bien", ajoute cet ancien responsable de l'Unesco. "Nous sommes en train de tout mettre en place pour accueillir ces oeuvres - plusieurs musées sont en cours de réhabilitation - et c'est cela qui compte si nous voulons être crédibles."

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