Au Ghana, une entreprise casse le prix des médicaments
SANTÉ
Au Ghana, une entreprise casse le prix des médicaments
L’Afrique a des idées (7). Fort d’un réseau de 400 officines partenaires, le grossiste mPharma négocie auprès des géants pharmaceutiques pour proposer des traitements accessibles au plus grand nombre.
Ses pas résonnent dans les couloirs encore vides. A East Legon, dans la banlieue nord d’Accra, Gregory Rockson retrouve pour la première fois depuis mars les locaux de son entreprise, restés déserts depuis le début de l’épidémie liée au coronavirus au Ghana. Mais les 90 salariés de mPharma, eux, ont poursuivi leur mission à domicile. Difficile d’imaginer stopper, en période de danger sanitaire, une activité dont l’objectif est d’offrir un accès aux soins au plus grand nombre… D’ailleurs, comme l’observe avec humour le cofondateur de l’entreprise, « ma préoccupation a trouvé une résonance ces derniers temps »… Sa préoccupation ? Baisser le prix des médicaments. Evidemment, en période de pandémie, l’idée est plutôt bien accueillie.
Au Ghana, le prix des médicaments est libre. « Si vous allez dans trois officines pour demander un même produit, vous allez le payer à chaque fois un prix différent. Une variation qui peut aller du simple au triple », souligne Gregory Rockson. L’entreprise mPharma, créée en 2013, veut simultanément faire baisser les prix, passer au prix unique et éviter les pénuries qui obligent à courir les pharmacies. Pour y parvenir, il fallait que ce soit lui, le grossiste, qui établisse les prix de vente au public chez les 400 officines qui se fournissent chez lui, sur les 3 000 du pays. Ce vaste réseau de distribution, ajouté à la grande capacité de stockage de mPharma, lui permet d’être en position de force pour négocier et obtenir des réductions auprès des géants pharmaceutiques comme Sanofi.
En retour, les pharmaciens qui travaillent avec mPharma bénéficient de prix compétitifs et, grâce à l’exploitation des données qu’ils fournissent via une application, la start-up leur évite la rupture de stock en les livrant avant que les rayonnages ne soient vides. C’est là encore un moyen d’éviter de perdre des clients et de mettre des vies en danger. Pour le patient, en bout de chaîne, « nous voulons de la transparence, qu’il sache dès le départ combien il va débourser pour un traitement et quelle pharmacie en dispose », poursuit Gregory Rockson. Un point essentiel pour l’entrepreneur, qui a passé beaucoup de temps hospitalisé durant son enfance et qui garde le souvenir de ses parents toujours inquiets du prix des médicaments et de l’officine où ils allaient pouvoir se les procurer.
Les dangers du marché noir
Déjà, mPharma s’enorgueillit d’avoir baissé le prix du Coartem, un traitement antipaludique très utilisé au Ghana, où la malaria tue jusqu’à 10 000 personnes par an. Alors que la plupart des pharmacies proposent la tablette à 30 cédis (environ 4,60 euros), celles qui sont en contrat avec mPharma la vendent 27 cédis.
Une différence qui peut sauver des vies, car « beaucoup de Ghanéens refusent de se soigner à cause du prix des médicaments », remarque Gregory Rockson. Pour payer moins cher, certains les achètent dans la rue, au marché noir. L’ennui, c’est qu’ils risquent de se retrouver avec une gélule sans principe actif tant les faux médicaments sont répandus en Afrique. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ils y provoquent la mort d’environ 100 000 personnes chaque année. Sur ce point, le chef d’entreprise, qui ne manque pas d’idées, voudrait à moyen terme « créer un laboratoire qui puisse certifier que les médicaments ne sont pas des contrefaçons, afin de ne pas dépendre d’agences qui ne sont pas toujours fiables »
Comme les préoccupations de Gregory Rockson intéressent un public qui dépasse les frontières ghanéennes, son application mPharma est également présente au Nigeria et en Zambie, et sa société a fait l’acquisition d’une chaîne de pharmacies au Kenya. Et alors que multiples développements sont à l’étude au sein de cette petite structure qui a le vent en poupe et levé 17 millions d’euros en mai, mPharma a aussi saisi l’occasion de l’épidémie de Covid-19 pour commencer à se diversifier.
"Quand nous avons vu, dès février, que le monde entier allait avoir besoin de tests, nous nous sommes dit que l’Afrique allait être laissée sur la touche si nous ne réagissions pas rapidement", explique le jeune patron. Grâce à l’entregent de l’un des investisseurs basés aux Etats-Unis, qui dispose d’importantes relations en Chine, 1 million de tests de dépistage du Covid-19 et près de 150 thermocycleurs (des machines qui permettent d’analyser les résultats) ont été acheminés vers l’Afrique. Le Ghana propose des tests depuis mars et en a déjà réalisé plus de 280 000.
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