Assa Traoré, la combattante

Assa Traoré, la combattante

A la tête du comité la Vérité pour Adama, la sœur du jeune homme mort en 2016, après son interpellation par des gendarmes du Val-d’Oise, s’est imposée comme une des figures de la lutte contre les violences policières et le racisme en France. Portrait.


Tout s'est cristallisé le 2 juin. Turban de wax sur la tête, tee-shirt noir aux lettres blanches, poing levé, Assa Traoré rallie autour d'elle une armée d'au moins 20 000 devant le palais de justice de Paris. Victoire réitérée le 13 juin, lorsque plusieurs milliers de plus se sont levées place de la République. Elle porte ce jour-là son cuir sur lequel est peint le visage de son frère Adama.

Trois jours plus tard, au cœur de la manifestation des soignants, où elle est notamment entourée du maire (PC) de Stains (Seine-Saint-Denis), Azzedine Taïbi, sa popularité se mesure au nombre de selfies qui lui sont demandés, aux interpellations qui fusent : « Ne lâchez pas », « On est avec vous », aux applaudissements qui la saluent, venus de badauds et de manifestants, jeunes ou pas, une foule de toutes origines sociales et de toutes les couleurs.

Qui est donc Assa Traoré? Pour cette femme de 35 ans, c'est d'abord le prénom d'Adama qu'il faut retenir. Ce petit frère qu'elle a en partie élevé et sur lequel elle a veillé, jusqu'à son décès dans la caserne de Persan dans le Val-d'Oise, ce 19 juillet 2016 après son interpellation par trois gendarmes. « Avant, je vivais dans une bulle, dit-elle, assise sur le canapé de son salon à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Maintenant, je suis dans le vrai monde, celui des violences policières, que je connaissais, mais sans penser qu'un jour un de mes frères serait touché. »

« On est une famille métissée »

Au départ de ce surgissement, il y a une famille. Une brigade presque, composée de seize frères et sœurs, dont l'amputation d'un des siens a sonné la mobilisation. Le père, Mara Siré Traoré, chef de chantier dans le bâtiment, décédé alors qu'Assa a 14 ans, était le socle de cette descendance à quatre mères. Il s'unit d'abord avec Elisabeth, qui est picarde, puis Françoise,
normande. Deux séparations et sept enfants plus tard, il se marie au Mali avec Hatoumma, dite « Mamma », mère d'Assa, puis s'unit à Oumou, appelée « Tata », mère d'Adama. Les deux épouses vivront ensemble dans un appartement du quartier de Boyenval à Beaumont-sur-Oise, petite ville de 9600 habitants dans le Val-d'Oise.


Assa Traoré (au fond), avec ses jeunes frères et sœurs dont Adama (au premier plan à gauche)

On ne faisait aucune différence entre nous, insiste Assa Traoré. Lassana, un des aînés, abonde : « On est une famille métissée, forcément, ça décuple notre tolérance. Chez nous l'expression demi-frères ou sœurs n'existe pas, c'est même une insulte ». Les cadets vont en vacances chez les mères des aînés en province, l'inverse est vrai aussi : « Quand mes grands frères venaient chercher du travail à Paris, ils dormaient chez nous à Boyenval », se souvient Assa Traoré, fière de cette singulière famille recomposée.

« Notre père a mis chacun de ses enfants sur un piédestal, il a tout construit autour de nous. On se dit souvent que s'il n'était pas mort, Adama ne le serait pas non plus », poursuit-elle, émue, dans un des rares instants où elle dépose sa cuirasse pour évoquer ce père « charismatique » qui lui a transmis cette « confiance » en elle, son amour du Mali et de la France.

La « matriarche » devient porte-parole

Au moment du décès d'Adama, à l'âge de 24 ans, Assa Traoré, mère de trois enfants, travaille comme éducatrice spécialisée à Sarcelles (Val-d'Oise). Les Traoré gagnent leur vie « dans la restauration, la pâtisserie, le bâtiment, les ressources humaines… », éparpillés « à Bordeaux, en région parisienne, en Espagne… ». La jumelle d'Adama, Hawa, est aide-soignante dans le Sud.

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