Prostitution de mineures : «Le proxénétisme national est en résurgence»
Patron de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, Jean-Marc Droguet voit la prostitution des mineures exploser depuis cinq ans. Et les adolescents, que ce soit côté victimes ou proxénètes, sont de plus en plus jeunes.
Le commissaire divisionnaire Jean-Marc Droguet observe que le phénomène touche désormais de très jeunes adolescentes.
Directeur de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), le commissaire divisionnaire Jean-Marc Droguet observe une augmentation considérable du nombre de réseaux de prostitution de mineures. Et même si ses services ont désormais une meilleure connaissance du milieu, il constate que, depuis 2015, le phénomène prend des proportions inquiétantes, et qu'il touche désormais de très jeunes adolescentes.
Comment expliquez-vous le développement de la prostitution chez les jeunes filles ?
JEAN-MARC DROGUET.
Le proxénétisme, tel qu'il existait dans les années 2000 avec des filières africaines, des réseaux chinois et des prostituées venues de l'Est, a changé. Aujourd'hui, nous faisons face à du proxénétisme franco-français : les jeunes filles mineures comme les souteneurs sont français. Notre pays est d'ailleurs le seul en Europe à subir la résurgence d'un proxénétisme national, qui avait disparu à la fin des années 1990, avec la fermeture des derniers bars à hôtesses.
Qui sont ces nouveaux proxénètes ?
Ce sont souvent des personnes issues des cités, qui diversifient leurs activités criminelles pour gagner du cash facilement et sans investissement. Des jeunes qui ont un palmarès dans la petite criminalité. Ils participent à du trafic de stupéfiants, à de l'extorsion, et trouvent là un business florissant. Pour monter un trafic de drogue, il faut investir de l'argent, aller chercher le fournisseur, transporter le produit, le vendre. Vous risquez de vous faire avoir, ou prendre. Alors que, là, vous recrutez une fille, vous la mettez dans un hôtel ou une location de courte durée et c'est le jackpot ! C'est très lucratif, on peut gagner 1000 euros dans la journée. Ce type de proxénétisme, qu'on a appelé « proxénétisme des cités » parce que c'est là-bas que tout se passe, est apparu sur nos radars en 2014.
Ce proxénétisme «des cités» a-t-il migré hors des banlieues ?
Oui. Il s'est déplacé dans des zones plus larges. La dernière affaire que nous avons traitée impliquait des proxénètes à Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques. Au moment où on les a interpellés, les filles avaient déjà été envoyées se prostituer à La Rochelle, en Charente-Maritime. Elles étaient toutes originaires du Val-d'Oise, sauf qu'on les déplaçait sur l'ensemble du territoire pour éviter qu'elles soient repérées. Ce n'est plus un phénomène circonscrit à un secteur géographique. Les équipes qui installent les filles dans des hôtels, parfois sous de faux noms, doivent s'organiser pour qu'elles ne restent que quelques jours. Quand l'hôtelier s'aperçoit qu'il y a des allées et venues étranges dans leurs chambres, elles repartent vers une autre destination.
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